Quel tendre enfer que de créer et de fabriquer un instrument de musique à partir
d'une petite pensée, d'un désir musical qui mène à la table à dessin, à la scierie,
puis à l'atelier (là, je passe les détails !), pour finir par avoir l'honneur ultime d'en jouer.
La naissance d'un instrument est le fruit d'un long parcours où se croisent l'esthétique
musicale, l'esthétique visuelle, la pensée technique et le savoir-faire manuel.
Avant tout, pour moi, le moteur de la création d'un modèle de clavicorde réside dans
le souhait de voir exister un instrument possédant certaines caractéristiques précises.
Ces caractéristiques peuvent être d'ordre pratique (poids, dimension, prix, ...), musicales
(copies d'ancien, lien avec un compositeur, représentation d'une période, ...), ou même esthétiques,
mais le plus souvent, il s'agit de trouver un équilibre entre certaines priorités.
L'expérience, doublée de passion, me permet de garder en mémoire presque tous les
instruments que j'ai rencontrés, la sensation qu'ils offrent au jeu, leurs propriétés sonores, ainsi que
la manière dont ils sont fabriqués. Et je dois dire qu'ils m'ont tous appris quelque chose, même les
pires !
Les instruments historiques sont une source de savoir particulièrement importante.
Avec un bon nombre d'exemples, des liens entre les propriétés sonores et les caractéristiques physiques
s'établissent par déduction. Il est aussi, bien sûr, possible d'établir d'autres liens par
expérimentation directe, en isolant des paramètres.
Victime d'un incurable penchant pour les instruments à clavier et à cordes frappées,
mon parcours d'interprète a toujours été joint à celui de facteur.
J'ai ainsi remonté le temps, étant d'abord pianiste, accordeur, puis restaurateur de pianos,
pianofortiste et restaurateur de pianofortes, et finalement devenir facteur de clavicordes et
« clavicordiste ».
Comme les compositeurs étudient les maîtres du passé, il en va de même pour la
facture instrumentale. Il est indispensable de bien connaître la facture ancienne pour prétendre ajouter une
pierre utile à l'édifice.
Je crois aujourd'hui que le clavicorde a un brillant avenir devant lui, et qu'il répond en
beaucoup de points à des besoins musicaux actuels. Tout d'abord par la finesse de toucher qu'il nécessite,
puis, par la délicatesse du son, il réussit ainsi à nous sortir du monde bruyant dans lequel nous vivons.